Séminaire Lattice Emma Alvarez 14 février 2023

Dans le cadre de ses séminaires, le Lattice invite Emma Alvarez le 14/02/2023. Le sujet du séminaire sera "La dévaluation de l’expression linguistique de la certitude en français : le cas de certainement".

Salle 512bis (Lattice, 1 rue Maurice Arnoux, 92120 Montrouge)

En visio : https://www.gotomeet.me/visio-lattice

Horaire : 10h30-12h.

Titre : La dévaluation de l’expression linguistique de la certitude en français : le cas de certainement

Intervenante : Emma Alvarez (Professeur à l’Université d’Oviedo, Espagne)

Résumé :

Comme d’autres marqueurs modaux de la langue française (i.e. sans doute, sûrement, probablement, voire ou devoir, cf. Berrendonner, 1987 ; Rodríguez Somolinos, 2006), l’adverbe certainement a subi en diachronie un processus de dévaluation de l’expression de la certitude. À la différence de ses équivalents en espagnol (ciertamente), italien (certamente) ou anglais (certainly), certainement exprime finalement dans la plupart de ses emplois contemporains la haute probabilité, et donc la non-certitude ; en d’autres termes, il introduit le doute dans l’énoncé assertif affirmatif :

A : Tu viens demain ?

B : Certainement (= il y a de fortes chances que je vienne, mais ce n’est pas 100 % sûr).

En revanche, il a conservé son caractère de « certain » dans les énoncés assertifs négatifs :

A : Tu viens demain ?

B : Certainement pas (= c’est sûr que je ne viendrai pas).

Dans cette communication, il sera question d’aborder les conditions qui sous-tendent ce processus de dévaluation de la certitude subi par certainement. À ce dessein, nous fournirons une double analyse (quantitative et qualitative fine) des occurrences de cet adverbe dans la diachronie du français tirées de la base de données Frantext. Nous identifierons ses différents emplois et les justifierons par des propriétés syntaxiques, sémantiques et pragmatiques. Parallèlement, nous réexaminerons la question de la nature (modale et/ou évidentielle ; cf. Dendale et Kreutz, 2019 ; Dendale, 2020) de cet adverbe. Enfin, nous fournirons une hypothèse explicative à ce processus de dévaluation basée sur l’introduction du doute à la suite du renforcement de l’assertion (cf. Berrendonner, 1987 ; Traugott, 1995; Traugott & Nordlingen, 1997 ; Féron, 2002 ; Dendale et Kreutz, 2019).

Quelques références bibliographiques :
Berrendonner, A. (1987), « La logique du soupçon », Revue Européenne Des Sciences Sociales, 77, pp. 287–297.

Dendale, P. (2020), « Are ‘modal adverbs’ automatically modal markers? The case of French certainement : evidential versus epistemico-modal use », Anuari de Filologia. Estudis de Lingüística, Anuari de filología. Estudis de lingüística, 10, pp. 39-76.

Dendale, P. & Kreutz, P. (2019), « ‘Certainement’ : adverbe epistémico-modal ou évidentiel ? », Le discours et la langue.

Féron, C. (2002), « Le renforcement de l’assertion dans Le voir dit de Guillaume de Machaut », L’Information grammaticale, 92, pp. 23-30.

Rodríguez Somolinos, A. (2006), « Voire, modalisation de vérité et renforcement de l’assertion (XIVe-XVIe siècles) », Langue française, 149, pp. 61-76.

Traugott, E. C. (1995), « Subjectification in Grammaticalization ». In D. Stein, & S. Wright (Eds.), Subjectivity and Subjectivisation : Linguistic Perspectives, Cambridge: Cambridge University Press, pp. 31-54.

Traugott, E. & Nordlinger, R. (1997), « Scope and the development of epistemic modality », English Language and Linguistics, 1, pp. 295–317.

 

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