Appliquée à la phrase, la notion de topique désigne ce sur quoi porte son contenu informationnel, en l’occurrence, le plus souvent, le référent exprimé par son sujet. Appliquée au discours, la notion est utilisée, de façon plus large, pour rendre compte du fait que les échanges parlés aussi bien que les textes développent un propos dont on s’attend à ce qu’il soit suivi et ne saute pas, sans ménagements, du coq à l’âne.
Ces attentes interprétatives sont suffisamment générales et bien documentées par les travaux sur la cohérence/pertinence des discours, pour que l’on fasse l’hypothèse que toutes les langues mettent à la disposition des sujets qui les parlent des expressions ayant pour vocation de signaler les énoncés dont le contenu s’écarte peu ou prou, au moment où ils sont produits, du topique de discours en cours. Le projet porte sur les marqueurs dévolus (exclusivement ou partiellement) au signalement des changements de topique de discours en français (parlé et écrit contemporain et ancien) et en comparaison avec d’autres langues. Il inclut des études comparatives en diachronie.
Concernant les marqueurs de changement de topique de discours, plusieurs études conduites dans le laboratoire LATTICE avant le dépôt du projet nous ont conduits à l’hypothèse que ces marqueurs étaient, en français, de quatre grands types selon qu’ils expriment, de par leur composition et leur étymologie :
- une altérité dans la manière : cf. autrement qui en français parlé peut signaler un changement de topique de discours radical (Autrement, comment ça va ?) ou dans le lieu : cf. par ailleurs et d’ailleurs qui marquent une digression et parallèlement qui prend facilement une valeur temporelle mais peut également marquer un changement de domaine (Parallèlement, nous nous sommes intéressés à : ‘dans le même temps’ ou ’dans un autre domaine’),
- une hypothèse négative : cf. sinon qui peut annoncer comme autrement un changement de topique radical (Sinon, comment ça va ?) ou introduire une « simple » alternative (Il venait par le bus, autrement il prenait sa voiture),
- une évidence : cf. au fait qui sert à promouvoir un topique de discours nouveau et à clore le topique en cours, et en fait qui peut signaler une rectification mais aussi prévenir que l’énoncé dans lequel il figure est sans rapport avec celui qui précède,
- un retour sur l’énonciation, en l’occurrence, sur l’appropriation contextuelle de l’énoncé dans lequel figure le marqueur (cf. à propos, justement), sur le fait que cet énoncé tout en s’inscrivant dans le prolongement des énoncés précédents, rompt avec leur contenu (cf. au demeurant, du reste, au reste, pour le reste, quoi qu’il en soit, toujours est-il que)
Les travaux conduits dans le projet sur le français portent plus spécifiquement sur par ailleurs et toujours est-il que. Ils incluent une perspective diachronique, dans le sens où il s’agit de reconstituer précisément les évolutions ayant amené à l’emploi de ces expressions comme marqueurs de discours et d’évaluer l’impact que leur promotion dans ces nouvelles fonctions a pu avoir sur l’usage de marqueurs proches comme par exemple d’ailleurs, en outre, ou au demeurant pour par ailleurs. Ces travaux incluent également des approches comparatives, avec des études sur ces marqueurs dans des traductions ou des corpus comparables, notamment en anglais et en néerlandais.
Pour la comparaison des marqueurs de changement de topiques de discours disponibles dans les différentes langues, il s’agit de tester la classification des marqueurs de changement de topique du français présentée ci-avant avec les marqueurs existant dans des langues plus ou moins proche. Pour ce faire, nous avons élaboré un questionnaire que nous avons diffusé auprès de linguistes travaillant sur les marqueurs de discours ou des sujets apparentés. Nous avons recueilli des données sur 13 langues d’Europe (espagnol, anglais, allemand, italien, finnois, néerlandais, danois, hongrois, roumain, grec, polonais, bulgare). Les données (plus de 500 réponses) sont en cours de traitement.
Participants :
- UMR Lattice ENS Paris : Sophie Prévost, Benjamin Fagard, Laure Sarda, Pierre Le Goffic, C.Fuchs, Michel Charolles, Myriam Bouveret, Shirley Carter-Thomas
- ENS Paris : Daniel Petit
- Université de Caen : Véronique Lenepveu
- Université de Toulouse Le-Mirail : Marie-Paule Péry-Woodley
- Université de Tours : Paul Isambert
- Université de Leuven : Béatrice Lamiroy
- Université de Mons : Gudrun Vanderbauwhede
- Université de Cologne : Peter Blumenthal