Responsable : Laure Sarda
Participants : M. Aurnague, M. Bouveret, S. Carter-Thomas, J. Dufour, B. Fagard, C. Fuchs, A. François, I. Galleron, P. HaasD. Legallois, P. Le ,Goffic, G. Le Tallec, C. Moyse-Faurie, P. Samvelian, L. Sarda, M. Wauquier.
Doctorant(e)s : E. Faure, J. Li, D. Zhang, J. Zhu.
Post-doc: Aurore Montebran
1. Motivations
Nous souhaitons inscrire dans ce quinquennal (2019-2023) un axe nouveau, centré sur le lexique, qui renoue avec les travaux conduits au sein du Lattice dans la perspective théorique de la construction dynamique du sens et s’inscrit plus largement dans le courant des grammaires cognitives qui s’intéressent à l’aspect dynamique des langues et du langage afin de saisir les opérations de construction de la signification (Victorri & Fuchs 1996). Les études qui sont menées dans cet axe bénéficient des compétences des membres du laboratoire en matière de typologies nominales, de constructions verbales, de sémantique de l’espace. Elles impliquent à des degrés divers, l’interaction entre sémantique, morphologie, syntaxe et pragmatique et concernent tant le domaine de la langue française que celui élargi de la typologie.
Le point fort de la perspective que nous avons choisie est d’aborder le lexique en contexte, en tirant à la fois profit des descriptions théoriques disponibles et des nouveaux outils d’exploration de corpus. Les opérations 1 et 2 explorent les constructions verbales et les compatibilités noms / verbes exprimant différents domaines sémantiques (l’existence, la localisation, le mouvement, la possession, le don, – liste non exhaustive). Elles ont pour but de développer une lexicologie ontologiquement fondée. L’opération 3 se concentre quant à elle sur l’étude du genre dans le lexique des langues romanes et de l’espace francophone. Elle vise à mettre en regard l’usage et les politiques linguistiques actuelles et passées.
Un des angles d’observation consiste, en particulier pour les opérations 1 et 2, à repérer les ponts et les glissements entre différents domaines notionnels : on se demande par exemple quelles sont les relations entre le domaine de la localisation spatiale et ceux de l’existence ou de la possession. Parmi les divers domaines du lexique, lesquels sont le plus souvent associés dans les langues ? On observe ainsi, par exemple, des tendances universelles à opérer des métaphores depuis le domaine spatial vers le domaine temporel ; ou depuis les verbes de manipulation (‘prendre’, ‘tenir’…) vers les verbes de cognition (‘comprendre’, ‘savoir’…) – ex. fr. retenir, ital. capire ‘comprendre’ < lat. capere ‘tenir’, etc. À l’inverse, certaines extensions métaphoriques sont-elles propres aux langues européennes, voire spécifiques au français ?
L’angle d’observation privilégié dans l’opération 3 est la confrontation des usages de l’espace francophone (France, Suisse, Belgique, Canada, Antilles, Afrique) et de l’espace roman sur la question de la féminisation des noms de métiers, titres et fonctions, et, au-delà, sur le langage inclusif.
Les différents travaux menés dans cet axe « Lexique » s’appuieront sur l’analyse de corpus textuels et sur des données de terrain ; ils seront menés de façon interne sur une langue et de façon comparative, dans une perspective typologique. L’exploration du lexique soulève plusieurs questions relatives à l’émergence de la polysémie, à l’évolution du sens et des formes, à l’identification de zones de lexicalisation préférentielle selon les langues.
2. Nouveautés et enjeux
Les études menées dans l’axe « Lexique » chercheront à décrire les propriétés spécifiques à chaque lexème, non pas en considérant les lexèmes isolés, mais en observant les constructions en tant que telles ; ces études viseront à dégager les interactions entre différentes catégories morpho-syntaxiques, en particulier, entre les noms et les verbes. En effet, notre but est de travailler sur des relations entre unités et non pas uniquement sur les unités elles-mêmes. Est ainsi mis en relief le double rôle du contexte qui, d’un côté réduit le sens par des opérations de filtrage, et d’un autre côté ajoute ou crée du sens par la combinatoire d’éléments. Ce double rôle du contexte a été très bien saisi par la notion de « compositionnalité gestaltiste » telle qu’elle est développée dans la théorie de la construction dynamique du sens (Fuchs & Victorri 1996). Cette attention portée au contexte rejoint aussi les fondements des grammaires de construction (Fillmore 1988 ; Goldberg 1995, Croft 2001), qui assument que le sens d’une construction ne se ramène pas à la somme prédictible des sens de ses composants lexicaux. La ligne directrice consiste donc à aborder le lexique en contexte à partir de l’interaction de plusieurs catégories morpho-syntaxiques.
Notre démarche s’appuie sur un aller-retour constant entre les données observables en corpus et la recherche de tests linguistiques pour expliquer les compatibilités existantes. Il s’agit de développer une lexicologie fine et multicatégorielle. De plus, les études qui sont menées au sein de cet axe s’inscrivent dans une recherche plus vaste et plus ambitieuse, qui vise à caractériser la construction du sens dans le discours par les locuteurs.
L’axe lexique est structuré autour de trois opérations que nous détaillons ci-dessous :
Opération 1 : Constructions verbales
Dans cette opération, axée sur les constructions verbales, trois directions seront explorées : l’une est centrée sur l’étude des mécanismes de grammaticalisation, de lexicalisation et de constructionalisation de l’expression du don et du transfert, la seconde s’attache à la question des périphrases verbales, la troisième s’intéresse aux transferts de sens d’un domaine sémantique à un autre.
Opération 2 : Construction du sens lexical en contexte
Cette opération est consacrée aux relations entre plusieurs catégories morpho-syntaxiques, appréhendées d’un double point de vue complémentaire : d’une part les relations (syntagmatiques) de compatibilité – en particulier entre noms et verbes ou entre verbes et prépositions ; d’autre part, les relations (paradigmatiques) de dérivation – en particulier les relations entre les noms et les verbes (déverbaux, dénominaux et converses).
Opération 3 : genre et lexique des langues romanes
Dans cette opération, nous développons quatre volets : le point de vue historique et social ; les politiques linguistiques et l'usage ; les langues romanes et l'écriture inclusive ; la dimension francophone.
Références
Références bibliographiques