Universalité et diversité des processus de changement linguistique

Les dernières décennies ont permis des progrès considérables dans la description des 7000 langues du monde. Outre qu’elles viennent enrichir la comparaison des structures linguistiques en synchronie, les nouvelles données recueillies permettent également de mieux comprendre les processus historiques du changement linguistique.

Lorsqu’on dispose de sources écrites anciennes, la linguistique historique peut faire appel à l’épigraphie ou à la philologie. Mais même en l’absence de telles sources, il demeure possible de reconstruire l’évolution historique des langues, grâce aux outils de la Méthode comparative. Cette approche, élaborée au 19e s. par les Néo-grammairiens allemands autour des langues indo-européennes, a été depuis appliquée à toutes les familles de langues avec le même succès. Les récents développements informatiques mettent à profit la rigueur algorithmique de la Méthode comparative, en ouvrant de nouvelles perspectives dans l’analyse des données et la modélisation du changement.

Or, plus on observe de familles linguistiques sous l’angle diachronique, plus on confirme l’universalité des principaux processus évolutifs. Les divers types de changement phonétique ou morphologique, les processus d’analogie, de réanalyse, d’extension ou de réduction sémantique, de grammaticalisation…, se retrouvent dans toutes les familles de langues connues ; cette remarquable unité s’explique largement par l’universalité de nos processus cognitifs. Mais si les processus sont les mêmes, leur distribution dans l’espace géographique et dans le temps diffère parfois entre aires, familles, ou périodes historiques. Certaines circonstances sociales auront pour effet d’accélérer le changement linguistique, ou de le freiner ; certains facteurs peuvent promouvoir l’hétérogénéité interne des langues, ou au contraire leur homogénéité.

Réunissant des linguistes du Lattice et des partenaires extérieurs, cette opération de recherche se propose donc de comparer les dynamiques d’évolution entre familles de langues différentes, afin d’identifier aussi bien les tendances universelles que les différences dans les processus de changement historique. Nos travaux reposeront sur des données empiriques provenant de plusieurs phylums linguistiques : familles indo-européenne (langues romanes, en particulier français ; langues germaniques), afro-asiatique (sémitique, berbère), ouest-atlantique, austronésienne (langues océaniennes du Pacifique).

Voir aussi dans «Axe 3 : Changements linguistiques et évolutions des langues»

Modélisation de l’évolution de l’ordre des mots en français C’est durant la période médiévale (9e-15e siècles) que les changements morpho-syntaxiques et syntaxiques majeurs du français se sont initiés et ont commencé à se propager. S’attacher à cet empan chronologique permet une meilleure appréhension et une compréhension accrue de certains mécanismes de changement, non spécifiques au français pour certains. L’ordre des mots est un lieu d’évolution majeur dans l’histoire du français, avec le passage d’une organisation relativement souple, d’un point de vue grammatical, à une organisation selon les fonctions grammaticales. Bien que cette évolution ait été largement étudiée, plusieurs questions restent encore sans réponses satisfaisantes, tant en ce qui concerne la chronologie fine du changement (étapes intermédiaires et rythme), que ses modalités et ses causes. Références Références bibliographiques Sémantique diachronique : référence, espace, couleur Le Lattice a depuis de nombreuses années une expertise reconnue en sémantique synchronique (Sarda et al. 2014, Landragin et Tanguy 2014) et diachronique (Fagard 2015). Plusieurs projets ont ainsi porté sur des aspects relevant de l’étude de la sémantique spatiale (Projet Innovant Paris 3, Projet Labex ET) et de la référence (PEPS MC4, ANR Democrat, cf. l’axe « discours »). Pour ce quinquennal, nous proposons d’aborder la question de l’évolution sémantique dans une perspective renouvelée, en étudiant les variations de sens liées au processus de grammaticalisation. Nous comparerons ainsi les valeurs sémantiques de constructions plus ou moins grammaticalisées, dans plusieurs domaines.