16 mars 2021 – Eric Corre

« Information structure » (ou « communicative sentence articulation », Kiss 2008) et synonymies aspectuelles : pour une pragmatique discursive intégrée à la grammaire.

Résumé :

Un grand nombre de cadres théoriques linguistiques contemporains ont intégré la perspective fonctionnelle pragmatique nommée « structure informationnelle » (information structure, ou communicative sentence articulation, Kiss 2008) dans la structure même des phrases/énoncés. La liste est longue des tenants de cette approche : outre le pionnier reconnu Henri Weil (1844), on peut citer un linguiste méconnu, le Hongrois Sámuel Brassai (1797–1897) qui, dans son ouvrage A magyar mondat [The Hungarian sentence], 1860–1865, met au jour le caractère fondamental en hongrois de la distinction entre son inchoativum (topic) vs. bulk (focus). Puis on doit à Georg von der Gabelentz (1869;1875) les concepts de psychological subject and psychological predicate ; les travaux des linguistes de l’Ecole tchèque (dont Mathesius 1939), vont contribuer à faire entrer l’opposition topique vs. focus dans la syntaxe générative (Sgall and HajiCova 1973, HajiCova 1983, Kiss 2008); citons encore le fonctionnaliste Halliday (1967), le volume Subject and Topic (Li and Thompson 1976), Kuroda (1973), puis Lambrecht (1994) – tous ont contribué à développer des théories sur l’importance du topique/thème vs. focus/comment/rhème dans l’élucidation de divers phénomènes. Mais le terme de information structure fait souvent référence à des phénomènes plus larges : on doit à Hopper (1979), Weinrich (1973) d’y avoir inclus les concepts de backgrounding vs. foregrounding, monde d’arrière plan/d’avant plan. Les théories françaises de l’énonciation en linguistique anglaise (Adamczewski & Delmas 1982, Benveniste 1966, Culioli 1990, Larreya 1999, Cotte 2000) ont intégré cette pragmatique dans le cœur même de leurs théories sur les formes simple vs. progressive vs. parfaite de l’anglais. La question fondamentale à laquelle tous ces auteurs ont tenté de répondre est la suivante : pourquoi les locuteurs de toutes les langues utilisent des constructions grammaticales différentes dans des circonstances communicationnelles différentes pour exprimer une même idée ? (Lambrecht 1994) En quoi la distinction entre les statuts de topique et de focus, concepts centraux dans l’information structure, motive les structures grammaticales ?

Dans cette présentation, je m’intéresserai à la pertinence qu’il y a à convoquer ce domaine dans les marqueurs (ou le marquage) aspectuel de trois langues – l’anglais, le russe, le hongrois – que la seule sémantique lexicale ou grammaticale (le recours au temps/aspect) parvient difficilement à analyser. On considérera, à l’instar de Lambrecht (1994), que les phrases suivantes sont des « allophrases », c’est-à-dire qu’elles expriment un même contenu vériconditionnel, elles manifestent une synonymie aspectuelle remarquable. Les deux phrases hongroises (1a, 1b) dénotent un événement unique télique, que le verbe soit préfixé ou non ; les deux formes anglaises, au parfait et au prétérit (2), renvoient au même procès passé résultatif ; les deux verbes russes au passé, perfectif zakazal et imperfectif zakazyval (3) présentent également un cas de synonymie aspectuelle :

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