14 décembre 2021 – Alexandre François

Approches contrastives et historiques de la polysémie: L'apport de la colexification

salle de l’IHMC (Ens, 45 rue d’Ulm, Paris)

Bien que le phénomène de polysémie lexicale soit universel, il peut être difficile de comparer deux termes polysémiques l’un à l’autre – que ce soit entre deux langues, ou entre deux états historiques de la même langue. L’approche sémasiologique (du mot vers le sens) se heurte à l’idée structuraliste qu’un lexème possède un contour sémantique émique, défini par contraste interne, et propre à chaque langue: ainsi le mot italien giocare ne se superpose pas exactement à son cognat français jouer. Ce problème de la comparabilité des polysémies se résout en adoptant une démarche onomasiologique, allant du sens vers son expression. En partant de sens minimaux, on peut alors observer ceux qui sont “colexifiés” (exprimés par le même mot) ou “dislexifiés” (distingués lexicalement) dans chaque système. Par ex. les sens {‹s’adonner à une activité ludique› + ‹exécuter un instrument de musique› + ‹interpréter un rôle au théâtre›} sont dislexifiés en italien (qui les lexifie respectivement giocare, suonare, recitare) alors qu’ils sont colexifiés en français (jouer) ou en anglais (play); sur ce point précis, les structures du français sont plus proches de l’anglais que de l’italien.

Depuis sa définition (François 2008), le concept de “colexification” a donné lieu à de nombreux travaux visant à une comparaison fine des structures sémantiques entre les langues, entre états de langues, entre régions du monde. Certains schèmes de colexification sont universaux, d’autres sont propres à certaines aires ou à certaines familles de langues; certains sont stables, d’autres évoluent historiquement… Cet exposé présentera quelques-unes des applications récentes de la Colexification – qu’elles portent sur la typologie lexicale, sur la comparaison aréale, ou sur la reconstruction sémantique en linguistique historique.

Quelques références