Salle 512bis (Lattice, 1 rue Maurice Arnoux, 92120 Montrouge)
En visio : https://www.gotomeet.me/visio-lattice
Horaire : 10h30-12h.
Intervenant : Simon Devylder (Marie Skłodowska-Curie Fellow, UiT, the Arctic University of Norway)
Titre : Expliquer la réduction morphosyntaxique en Nord Sámi: Pour un quadrillage méthodologique
Résumé :
Les bases de données linguistiques en ligne (WALS, Grambank) ont récemment connu un tel essor, qu’elles semblent avoir déclenché une certaine ruée vers l’or des études quantitatives de grande échelle. L’accessibilité à une telle masse de données laisserait à penser que les études utilisant ces vastes ressources permettraient d’apporter des réponses définitives aux grandes questions de linguistique, comme celle de la diversité linguistique, par exemple. Cette accessibilité a effectivement permis de tester empiriquement certaines explications, comme l’hypothèse de la niche linguistique (i.e., les sociétés composées de locuteurs natifs et d’une large proportion d’apprenants adultes, tendraient à réduire leur complexité morphosyntaxique). Cependant, ces études de grandes généralisations typologiques aboutissent à des résultats parfois contradictoires, suivant la base de données (e.g., Lupyan & Dale 2010 vs. Shcherbakova et al. 2023) ou le modèle statistique utilisé (Lupyan & Dale 2010 vs. Sinnemäki & Di Garbo 2018). Comment répondre à une question de recherche sans risquer d’en déterminer la réponse par la méthode utilisée ?
J’aborderai cette problématique et proposerai que le ‘quadrillage méthodologique’, qui consiste à répondre à une même question en utilisant des méthodes et des types de données différentes, offre une solution à ce problème de fond. J’illustrerai le potentiel de cette approche en l’appliquant à l’étude du phénomène de réduction de redondance paradigmatique (i.e., réduction morphosyntaxique) : une perte de catégories morphologiques, au profit d’une hausse d’utilisation de structures plus analytiques que synthétiques (Trudgill 2011 : 20‑26). Je me focaliserai plus précisément sur la flexion nominale des structures possessives en Nord Sámi (Janda & Antonsen 2016).
J’amorcerai le ‘quadrillage’ avec trois méthodes : une méthode diachronique de corpus, une méthode expérimentale de terrain, et une méthode expérimentale de laboratoire. L’approche du quadrillage méthodologique consiste à établir avec précision les possibilités et les limites explicatives des différentes méthodes utilisées. Une fois ce périmètre des possibles établi, la connaissance d’un domaine de recherche, comme celui de la réduction morphosyntaxique des langues, peut avancer de manière incrémentale mais avec robustesse (Roberts 2018).
Bibliographie
Janda, L. A., & Antonsen, L. (2016). The ongoing eclipse of possessive suffixes in North Saami: A case study in reduction of morphological complexity. Diachronica. International Journal for Historical Linguistics, 33(3), 330-366.
Lupyan, G., & Dale, R. (2010). Language structure is partly determined by social structure. PloS one, 5(1), e8559
Roberts, S. G. (2018). Robust, causal, and incremental approaches to investigating linguistic adaptation. Frontiers in Psychology, 9, 166.
Shcherbakova, O., Michaelis, S. M., Haynie, H. J., Passmore, S., Gast, V., Gray, R. D., Greenhill S.J, Blasi, D.E, & Skirgård, H. (2023). Societies of strangers do not speak less complex languages. Science Advances, 9(33), eadf7704.
Sinnemäki, K., & Di Garbo, F. (2018). Language structures may adapt to the sociolinguistic environment, but it matters what and how you count: A typological study of verbal and nominal complexity. Frontiers in psychology, 9, 1141.
Trudgill, P. (2011). Sociolinguistic typology: Social determinants of linguistic complexity. Oxford University Press, USA.